LAURENT GARNIER
SAMEDI 13 MARS 2010 – 20H SALLE PLEYEL

Laurent Garnier : électronique
Scan X : électronique
Benjamin Rippert : piano, guitare
Philippe Nadaud : saxophone, clarinette
Philippe Anicaux : trompette, trombone

Invités :
Anthony Joseph : voix
Crazy B : DJ
Xavier Desandre : percussions, batterie
Thibault Paillier : saxophone
Sébastien Decalonne : trombone
Stéphane Abboud, David Kyung Soo Guionet, Camille Baudelaire, So§Sau : vidéos

Fin du concert vers 22h15.

1990, un hangar perdu dans la banlieue de Manchester, les corps dégoulinent de sueur, les hurlements des danseurs en transe couvrent la musique. Laurent Garnier, hilare, délaisse les platines et se tourne un instant vers le cameraman de Canal+ venu enquêter sur ce phénomène rave qui effraye l’Angleterre de Margaret Thatcher : « Hey t’as vu l’ambiance ? Ici c’est comme sur un terrain de foot, chaque fois que tu mets un disque c’est comme si tu marquais un but. » Il a vingt-quatre ans mais a encore l’air d’un enfant. Ce doit être sa première apparition à la télévision.
Vingt ans plus tard, il se produit à Pleyel, entouré d’une dizaine de musiciens, tel le chef d’orchestre d’un groupe de jazz du troisième millénaire. Le jeune DJ, racontant comme personne une histoire avec les disques des autres, est devenu musicien, lauréat d’une Victoire de la musique (en 1998, pour son deuxième album, 30). Pourtant, il n’a pas oublié la scène électronique dont il est pour toujours un pionnier. Après cinq albums dont le dernier, Tales of a Kleptomaniac, date de mai 2009, sa musique, de plus en plus personnelle et léchée, aime encore la house de Chicago, le disco new-yorkais ou la techno de Detroit, mais aujourd’hui elle se nourrit aussi de jazz, de blues, de drum’n’bass, de dubstep, d’ambiance cinématographique…
Laurent Garnier n’était pas forcément destiné à faire une telle carrière. Le 1er février 1966, à Boulogne-sur-Seine, ce n’est pas dans une famille de musiciens mais de forains qu’il voit le jour. Une longue et célèbre lignée d’ailleurs, puisque ses grands-parents furent les premiers propriétaires de montagnes russes en France. Pourtant, comme il le raconte dans Libération (du 3 mars 2000) : « DJ, ce n’est jamais qu’un prolongement de ce que j’ai connu enfant dans le monde des forains. Donner des émotions aux gens, que ce soit sur un manège ou sur une piste de danse, c’est la même chose. » Jusqu’à ce que ses parents s’installent comme antiquaires à Bougival, il a connu les foires, les lumières aveuglantes, la musique forte, mais c’est en vacances en Italie, lors d’une soirée à Rimini dans la discothèque babylonienne « La Baïa Imperiale », qu’il a la révélation de sa future carrière de disc-jockey. Dès lors, il transforme sa chambre en piste de danse avec tourne-disque, table de mixage et boule disco : « À onze ans, raconte-t-il, toujours dans Libération, j’allais piquer des lampes sur les chantiers pour bricoler des éclairages disco et je passais Cerone en boucle pour faire danser mes parents. Il n’y avait que ça dans ma vie. » Mais pour faire plaisir à sa famille, il entre à l’école hôtelière, sort major de sa promotion et devient brièvement « valet de pied » à l’Ambassade de France à Londres. Puis il suit sa fiancée de l’époque à Manchester, distribue quelques cassettes enregistrées pour démontrer ses talents de DJ et, en septembre 1987, s’installe sous le pseudonyme de DJ Pedro derrière les platines d’une des plus grandes discothèques de la ville, « L’Hacienda ». Dans ce club, qui va bientôt devenir mythique, il assiste enthousiaste à la déferlante des nouveaux sons électroniques qui vont révolutionner la musique : l’acid house et la techno. C’est le début d’une aventure qui va amener Laurent Garnier à se produire dans le monde entier : « Le DJ capte l’énergie émanant de la rencontre entre la musique, les lumières et les danseurs », raconte-t-il dans son livre Électrochoc (coécrit avec David Brun-Lambert). « Si tous les paramètres sont réunis, les danseurs libèreront une gamme de sentiments exceptionnelle. Un courant électrique se produit, son intensité comme son évolution ne tiennent plus qu’aux directions que le DJ donne. La musique devient voyage. Dans ces moments de grâce, soulever l’aiguille d’un disque dont l’écho résonne dans le sound system d’un club équivaut à foudroyer cinq cents, mille, cinquante mille personnes d’un seul coup… Il n’y a pas d’autre secret dans le rôle du DJ que le sens du partage. » Sa générosité derrière les platines et sa culture musicale ayant peu d’égal, Laurent Garnier se voit un nombre incalculable de fois désigné « meilleur Dj de l’année » par la presse du monde entier. De retour en France, devenu un des visages les plus familiers d’une musique qui n’a longtemps pas voulu en avoir, ainsi qu’une voix reconnue de stations de radio comme Nova, Couleur 3 ou FG, Laurent Garnier ne se contente pas d’être l’ambassadeur de la scène française avant même que le terme « french touch » ne devienne à la mode. Avec Éric Morand, il fonde le label F Communications, découvre des artistes comme St Germain ou Mr Oizo, et publie surtout son premier album, Shot in the Dark, en octobre 1994. La prochaine étape pour cet autodidacte aussi enthousiaste que perfectionniste sera celle du live. Depuis ses débuts à l’Olympia en 1998, en marge de la première Techno Parade, il n’a eu de cesse de démontrer qu’il est aussi un artiste de scène. C’est chose faite aujourd’hui après d’innombrables concerts, notamment lors de manifestations aussi prestigieuses que le Festival de Jazz de Montreux ou Jazz à Vienne. Sans oublier des collaborations avec les chorégraphes Marie-Claude Pietragalla ou Angelin Preljocaj qu’il accompagnera d’ailleurs dans quelques mois en Russie pour un spectacle au théâtre du Bolchoï.
En attendant, il aura donné Salle Pleyel un concert unique qui lui tient particulièrement à coeur car c’est pour lui l’occasion de jouer certains de ses morceaux les plus intimistes pour la première fois sur scène : « Je suis surtout habitué aux grands festivals où le public est debout et a souvent envie de danser. Pleyel est pour moi une occasion unique de montrer une autre facette de ma musique. » Nul doute que ce perfectionniste qui a « toujours peur de décevoir le public », dixit son ami Éric Morand (Libération du 3 mars 2000), vit aussi ce spectacle exceptionnel comme un formidable challenge.
Alexis Bernier